Comprendre la culture du café : vers des modèles agroécologiques durables
La culture du café est en pleine transformation. Face aux évolutions climatiques et aux limites des modèles intensifs, de nouvelles approches émergent. Mais entre agriculture biologique, régénérative, agroforesterie et syntropie, il est parfois difficile de s’y retrouver. Ces concepts ne sont pas de simples tendances mais des réponses concrètes aux défis de demain.
Dans un contexte où les conditions climatiques modifient les rendements, où les caféiculteurs peinent à vivre de leur production, et où les sols s’appauvrissent, repenser les pratiques agricoles devient essentiel. Cet article propose d’explorer ces modèles, leurs différences, leurs complémentarités et leur rôle dans l’avenir du café.
Ces évolutions sont essentielles mais elles nécessitent des moyens importants. Adapter une exploitation vers un modèle agroécologique implique des investissements en recherche, en équipement et en formation. Pour Anne Caron, ce coût ne peut être supporté uniquement par les producteurs ; il doit être partagé à chaque niveau de la filière jusqu’au consommateur final.
L’agriculture biologique : une base nécessaire mais pas suffisante
L’agriculture biologique est souvent vue comme la première étape d’une production plus respectueuse de l’environnement. Elle impose l’interdiction des intrants chimiques de synthèse (pesticides, engrais, herbicides) et favorise l’usage de fertilisants naturels. Elle repose aussi sur des pratiques qui améliorent la biodiversité et la santé des sols.
Cependant, l’agriculture biologique ne garantit pas systématiquement une meilleure résilience face aux évolutions climatiques. Un sol biologique peut être mal géré s’il est sur-travaillé ou s’il manque de diversité végétale. De plus, elle ne prend pas toujours en compte la régénération des écosystèmes, essentielle pour restaurer les sols endommagés.
C’est pourquoi certains producteurs vont plus loin et adoptent des modèles plus holistiques, où le sol et la biodiversité jouent un rôle central.
Les modèles agroécologiques : des approches complémentaires
L’agroécologie regroupe plusieurs courants, chacun apportant une réponse spécifique aux enjeux de la culture du café.
L’agriculture régénérative : réparer plutôt que maintenir
L’agriculture régénérative ne se limite pas à préserver les sols : elle vise à les améliorer activement. L’objectif est de restaurer la fertilité naturelle, capter du carbone et favoriser la biodiversité pour rendre les cultures plus résistantes aux évolutions climatiques.
Voici quelques techniques clés :
• Utilisation de couvertures végétales permanentes.
• Réduction du travail du sol pour préserver la vie microbienne.
• Compostage et fertilisation naturelle.
• Diversification des cultures pour limiter les maladies.
L’agroforesterie : s’inspirer des forêts pour cultiver le café
L’agroforesterie consiste à associer les caféiers à d’autres arbres et plantes, créant ainsi un écosystème équilibré. Ce modèle est particulièrement adapté à la caféiculture, car le café pousse naturellement sous ombrage.
Les avantages concrets :
• L’ombre des arbres réduit le stress hydrique des caféiers.
• Le sol reste plus humide et fertile grâce aux feuilles tombées.
• La biodiversité est préservée, limitant les maladies et parasites.
• Le producteur peut diversifier ses revenus en cultivant des fruits ou du bois.
Un exemple emblématique est la ferme Las Terrazas del Pisque en Équateur, où le café est cultivé sous une canopée d’arbres divers (ingas, acacias, avocatiers). Cette approche permet de protéger les sols et d’assurer une production plus résiliente.
L’agriculture syntropique : recréer des forêts vivantes
Encore peu connue, l’agriculture syntropique repousse les limites de l’agroforesterie en imitant la succession végétale des forêts naturelles. Ici, chaque plante joue un rôle précis dans l’évolution du sol et du climat local.
Quelques principes fondamentaux :
• Plantation de cultures en cycles successifs (des espèces pionnières aux plus matures).
• Aucun travail du sol : les racines et la matière organique régénèrent naturellement le terrain.
• Maximisation des interactions entre plantes pour favoriser une croissance mutuelle.
Certains caféiculteurs expérimentent cette approche en combinant caféiers, bananiers, arbres fruitiers et légumineuses pour reconstituer des mini-forêts fertiles et autosuffisantes.
L'agriculture syntropique, développée par l'agriculteur et chercheur suisse Ernst Götsch, a démontré son efficacité dans la restauration des terres dégradées. En 1982, il s'installe avec sa famille sur une propriété de 480 hectares dans l'État de Bahia, au Brésil, afin de mettre en pratique ses méthodes visant à inverser la dégradation des sols et à établir une plantation de cacao productive.
Les résultats obtenus sur sa ferme "Olhos d’Água" sont remarquables : en quelques années, des terres considérées comme infertiles ont été restaurées, atteignant une biodiversité et une productivité comparables à celles des forêts amazoniennes intactes.
Cette approche novatrice a suscité l'intérêt au-delà des frontières brésiliennes. En France, des expérimentations sont en cours pour adapter l'agriculture syntropique aux climats tempérés, notamment en Provence, où des parcelles de plantes aromatiques et médicinales ainsi que de fruitiers sont cultivées selon cette méthode.
L'agriculture syntropique offre ainsi une alternative prometteuse pour la culture du café, en favorisant des systèmes agroforestiers diversifiés et résilients, capables de s'adapter aux défis climatiques et environnementaux actuels.
Pourquoi cette transition est essentielle pour la filière café ?
Le modèle agricole d’hier, basé sur l’exploitation intensive des sols et l’usage massif d’intrants chimiques, montre ses limites. Il épuise les terres, met en danger la biodiversité et accentue la vulnérabilité des producteurs face aux évolutions climatiques.
À l’inverse, les modèles agroécologiques offrent des solutions durables en :
• Restaurant la fertilité des sols,
• Favorisant l’autonomie des producteurs,
• Réduisant la dépendance aux engrais et aux pesticides,
• Créant des plantations plus résilientes face aux sécheresses et aux maladies.
Mais cette transition a un coût. Passer à un modèle plus robuste exige des investissements que les producteurs ne peuvent assumer seuls. Pour Anne Caron, la filière doit partager cette responsabilité, en assurant une rémunération plus juste aux producteurs et en sensibilisant les consommateurs à la valeur réelle d’un café issu de pratiques agroécologiques.
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Construire une filière café plus robuste
Comme le rappelle Arnaud Causse, producteur engagé en Équateur :
"Ce qui compte, c’est la démarche pour se rapprocher d’un idéal social et environnemental."
C’est cette philosophie qui guide notre approche. Plus qu’un choix, les modèles agroécologiques sont une nécessité pour assurer la pérennité du café.
En favorisant ces pratiques et en accompagnant les producteurs dans cette transition, nous contribuons à bâtir une filière plus solide, capable de faire face aux défis climatiques et économiques. Parce que l’excellence d’un café ne se résume pas à son goût : elle réside aussi dans la manière dont il est cultivé.
L’agriculture de demain se construit dès aujourd’hui. Soutenir les cafés issus de modèles agroécologiques, c’est donner du sens à chaque tasse. En valorisant ces pratiques et en soutenant les producteurs engagés dans cette transition, il est possible d’assurer la pérennité de la culture du café et de garantir une qualité durable.